- « Pas au début, c'était super, franchement ! Trooop bien ! mais, bah .... Là, c'est pas le top... Je ... et toi ?

J'aurais adoré lui lancer en plein que visage que non ça ne pouvait pas aller, que ça n'allait forcément pas quand une amie appelait complètement défoncée pour qu'on vienne la chercher dans une station de métro miteuse à une heure du matin. J'aurais aimé que tous ces visages inconnus se retournent vers elle pour regarder la fille qui était trop camée pour remarquer la déception dans mes yeux. Mais je ne pouvais pas : mes dents s'étaient serrée d'elles-même empêchant des mots qui lui auront forcément fait du mal de franchir la barrière des sons. Car, derrière ma colère et mon dégoût, une petite partie de moi continuait de se voiler la face, essayant vainement de trouver des excuses au comportement de la japonaise. Peut-être qu'elle n'avait rien consommé de réellement illicite, peut-être qu'il s'agissait tout bêtement d'un mélange d'alcool. Peut-être, peut-être, peut-être. J'étais tout simplement pitoyable et si je réagissais comme ça c'était parce que cette jeune femme droguée devant moi, ce n'était pas n'importe qui. C'était Aya. Et je ne voulais pas voir qu'elle était comme tous les autres : capable de me faire souffrir par le biais de cette merde qui avait dévorer trop de choses en trop peu de temps. Pourtant je savais, j'avais piqué des crises à Jae Hyun pour beaucoup moins qu'un cachet avalé au détour d'une ruelle. Mais parce que c'était Aya, je ne pouvais rien dire : le silence déchiffrait tellement mieux mon affliction.

J'attendis longuement avant que sa voix ne vienne s'échouer de nouveaux sur les murs. L'éternité semblait s'écouler sous les respirations asymétriques de la jeune femme, mais je ne bougeais toujours pas. J'avais peur. Peur d'entendre la vérité, de ne plus pouvoir me cacher derrière les excuses que j'essayais de lui trouver. Et, paradoxalement, j'avais peur d'entendre le mensonge émerger dans sa voix. Tais-toi Aya, je ne veux pas savoir.

- « Je ne me suis pas perdue. Enfin si … En sortant de cette boîte, tu sais le Sound machin truc, j’ai pris la ruelle habituelle et .. je sais plus. J’ai dû tourner au mauvais moment, et je sais pas où je me suis retrouvée. J’ai marché un bon moment et je … me suis retrouvée ici.»

Sentant son regard glisser sur ma nuque, je me contentais de hocher la tête : piètre réponse pour l'effort que lui avait prit l'élocution de cette magnifique histoire. Qu'aurais-je dû lui répondre ? Qu'il n'y avait pas de boîte commençant par « Sound » dans les environs ? Que j'étais fière qu'elle soit encore en mesure de tenir une conversation qui voulait dire quelque chose ?

- « Tu connais mon .. sens de l’orientation à chier. On est loin Min Ah ? »
- « Toi, oui. »

La difficulté que j'avais éprouvée à prononcer ces deux petites syllabes était à peine croyable. J'étais enrouée, oppressée par cette boule au creux de ma gorge significative de mon état bancale. Mes yeux me brûlaient, comme si j'allais pleurer d'une minute à l'autre. Mes muscles contractés, eux, étaient manifestes de la vague de colère qui me submergeait au fil des minutes, comme si je n'attendais qu'un mot pour exploser. Comme si la drogue n'en avait pas assez fait, comme si j'avais encore besoin de ça, de ce souvenir.

- « Hihi, je crois que j’ai un peu forcé sur la dose cette fois. »

La vérité, enfin. Je me retournais, lui lançant un regard que même Satan m'aurait envié. Le pire dans tout ça, c'est qu'elle était tellement faite qu'elle en riait. Comme s'il y avait de quoi être fière, comme s'il y avait de quoi en rire ! J'avais pourtant été prévenue de la faiblesse d'Aya par rapport à la drogue, je savais le danger que cela représentait pour elle. Mais, étrangement, je ne pensais pas qu'elle puisse recommencer, toute mon attention s'était tournée vers Jae Hyun de ce côté là. Car lui, je savais qu'il ne s'était jamais vraiment arrêté.

- « Tu mériterais que je te laisse là. »

Je n'avais pas hurlé, comme je l'aurais souhaité. Mes lèvres s'étaient contentées d'articuler mes mots, les détachants avec la puissance de la haine que je vouais à ces saloperies de stupéfiants. Je plissais légèrement les yeux, plaçant mon visage à quelques centimètres à peine du sien. Déception, consternation, regret. Il y avait tellement de termes pour décrire mes sentiments.

Je baissais les yeux.

- « J'aurais préféré ne jamais voir ça. C'est pitoyable. »

J'eus un rictus moqueur, plus pour moi que pour elle. Ce soir, je lui donnais l'occasion de me faire du mal. J'aurais sans doute dû partir, mais j'étais coincée par un détail : c'était Aya.